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Inégalités en production

L'ampleur des inégalités de financement entre réalisateurs et réalisatrices, visualisées à partir des données du CNC.

Voici le budget attribué chaque année à des réalisatrices de 2008 à 2018. Il oscille entre 140 et 200 millions d'euros.

Rapporté à l'ensemble des budgets attribués aux films agréés par le CNC sur cette période, cela ne représente jamais plus de 16%.

Les budgets obtenus par des réalisateurs varient quant à eux entre 80% et 90% de ce total.

Cumulés, ils dépassent régulièrement un milliard d'euros.

Aucun mouvement en faveur d'une meilleure répartition de ces budgets ne semble se dessiner.

C'est en 2015 que la part accordée aux réalisatrices est la plus grande sur cette période, avec 16% des budgets totaux.

Mais dès 2016, cette part retombe à 11%.

Si la part des budgets accordée aux réalisatrices est revenue à près de 16% pour l'année 2018, il est difficile d'y voir une progression vers la parité.

Regardons de plus près les films ayant reçu des subventions de l'État en 2018.

C'est le cas de 300 films.

Parmi ces films, 70 ont été réalisés par des femmes,

225 par des hommes,

et 5 sont le résultat d'une collaboration entre au moins un homme et une femme.

Les trois quarts des films agréés par le CNC en 2018 ont donc été réalisés par des hommes.

Qu'en est-il de la part des financements accordée aux réalisateurs et aux réalisatrices ?

Pour répondre à cette question, associons chaque film à son budget.

La surface occupée par chaque cercle est maintenant proportionnelle au budget du film que représente ce cercle.

Les dix films ayant obtenu les budgets les plus importants de l'année 2018 ont tous été réalisés par des hommes.

À eux seuls, ils représentent plus de 223 millions d'euros de budget, soit près de 20% du total des financements de tous les films agréés par le CNC en  2018.

C'est plus que la part de l'ensemble des réalisatrices, qui représente moins de 16% de ce total.

Si l'on compte l'ensemble des films réalisés par des hommes, on arrive à presque 84% du total des financements.

Ainsi, non seulement les hommes réalisent plus de films, mais ils bénéficient également de budgets en moyenne plus importants que ceux des femmes.

20 M

15 M

10 M

5 M

1 M

0.5 M

Jetons maintenant un œil à la répartition des films en fonction de leur budget de 2008 à 2018.

Cette répartition est très inégale.

La grande majorité des films est réalisée avec un budget inférieur à 5 millions d'euros.

À l'opposé, on trouve un certain nombre de films à très gros budget, supérieur à 10 millions d'euros...

...voire 20 millions d'euros.

La plupart de ces films à gros budgets sont réalisés par des hommes.

Faut-il y voir la conséquence du fait que les hommes font plus carrière dans le cinéma que les femmes ? Et, forts de leur expérience, se verraient donc confier des budgets plus importants ?

En réalité, il n'y a pas que ça.

Regardons, parmi tous ces films, lesquels sont des premiers films.

Si ces films bénéficient en moyenne d'un budget inférieur aux autres,

quelques uns font néanmoins partie des films dotés d'un budget supérieur à 10 millions d'euros.

Ces premiers films à gros budgets, plutôt rares, sont presque exclusivement l'œuvre de réalisateurs.

L'observation de cette répartition met en lumière la difficulté qu'ont les réalisatrices à se faire une place dans l'industrie du cinéma.

Leurs premiers films sont souvent réalisés avec des petits budgets, en partie à cause des réticences des producteurs à confier de grosses sommes d'argent à des femmes.

En parallèle, certains projets à très gros budgets sont parfois confiés à des hommes n'ayant encore jamais réalisé de films.

Ce décalage est révélateur des inégalités qui touchent les femmes dans le milieu du cinéma.

Présentes dès l'attribution des budgets alloués aux productions, ces inégalités se retrouvent tout au long des carrières des réalisatrices, dans les sélections de festivals, l'attribution des prix...

Et plus largement, sur les fiches de paie des réalisatrices, mais aussi des actrices et des techniciennes.

Elles aboutissent à la projection dans nos salles de cinéma d'œuvres qui ignorent, méconnaissent ou fantasment l'expérience des femmes.

Or, ces œuvres et la représentation qu'il y est faite des femmes influencent notre imaginaire collectif et contribuent à renforcer les biais sexistes de notre société.

Il est donc plus qu'urgent d'équilibrer ces financements — en partie étatiques —, et d'encourager la production des réalisatrices, essentielle pour faire évoluer nos représentations.